GEORGES ROUSSE, ARTISTE CAMBRIOLEUR

Lauréat de nombreux prix et représenté par plusieurs galeries européennes, l’artiste plasticien qui se revendique photographe, intervient et expose dans le monde entier. Admirateur des grands maitres américains de la photographie, il a assimilé dans son travail le land art et la peinture abstraite, et propose aux spectateurs de faire l’expérience de la modélisation des espaces par le biais d’images grands formats.


Vous le croiserez peut-être au détour d’une rue, anonyme, ou errant sur un terrain vague, incognito mais attentif. Cherchant l’inspiration, à l’image de quelqu’un qui prépare un coup, il observe et furette le long des constructions anciennes ou en cours de démolition, ses endroits préférés pour commettre ses forfaits.

Né en 1947 à Paris, il est étudiant en médecine à Nice quand il décide de se consacrer entièrement à la passion qui ne le quitte pas depuis l’âge de 9 ans, en montant son studio de photographie, et, se spécialise en architecture. Domaine spécifique qui le poussera à s’intéresser plus tard à l’exploration des espaces, des endroits éphémères destinés à disparaître, et qu’il décide de mémoriser grâce à l’image fixe.

©JJA
Il commence toujours par des repérages, il déambule à la recherche de lieux qu’il pourrait investir. Ensuite il dessine ses plans, et élabore une méthode d’action ; Georges Rousse est un cambrioleur. Quand les idées arrivent il décide de s’introduire par les fissures des bâtiments, qui deviennent son atelier temporaire, et vient les habiller de ses traits de peinture. C’est un solitaire qui opère seul, pas besoin de s’encombrer de complices, il préfère la discrétion.
Un des derniers endroits sur lequel il a jeté son dévolu est le musée Ingres-Bourdelle de Montauban. Profitant de la réouverture de l’institution à la suite de sa rénovation, avec la bénédiction de sa directrice Florence Viguier-Dutheil, l’artiste a investi la majestueuse salle du Prince Noir. Georges Rousse trouve les failles de l’édifice et s’approprie son histoire au travers de liens géométriques ou lumineux. Il cherche la confrontation, mais sans effraction.

« Le blanc doit être réservé pour ces occasions de lumière, pour ces éclats qui déterminent l’effet du tableau. »

Cette citation de Jean-Auguste-Dominique Ingres, Georges Rousse pourrait la faire sienne, tant elle semble avoir été écrite pour son installation éphémère montalbanaise.

©JJA
Située dans les sous-sols quand on entre par les salles d’expositions du musée, c’est au bout d’un long escalier, que l’on croirait mener à des catacombes, que son œuvre surgit. Dominées par les voutes monumentales, les parois décrépites des murs répondent aux à-plats géométriques, bien reconnaissables désormais, du plasticien.

Le visiteur est alors immergé dans le volume de la salle et comme emmitouflé par l‘œuvre, une fois qu’il s’est positionné au point précis qui fera coïncider les différents éléments graphiques éclatés composant la création.

La forme finale n’existera alors que grâce au regard qui, comme une fiction, reconstituera les morceaux de réel et les traces de peinture, déposées de sorte à figurer une nouvelle dimension de l’espace exploré ; la photographie finale venant concrétiser l'œuvre et finaliser le geste artistique.
Le moment qui existe entre son arrivée et son départ relève d’une méditation contemplative et les lieux se retrouvent, eux, réinventés, redessinés sans même en avoir été transformés.

La réflexion de l’artiste, que le visiteur doit faire sienne, porte non seulement sur la notion d’espace mais aussi sur le temps, la mémoire.

Tout comme la lumière du jour qui l’anime, l’œuvre disparaitra à son tour, au terme de l’exposition. En accord avec les conservateurs du musée, Georges Rousse a déposé sa peinture grâce à un support amovible. Toutefois on retrouvera des signes de son passage, les aquarelles de prévisualisations de son travail, une photographie prise en grand format par lui-même, ou, par tout visiteur placé au bon endroit pour se voir révéler l’évidence de cet espace. Mais sinon, il repartira sans laisser de traces. La salle du Prince Noir du musée Ingres-Bourdelle sera alors restituée et sera de nouveau aux mains d’un nouvel artiste cambrioleur.

Jean-Jacques Ader

GEORGES ROUSSE, ESPACE, COULEUR, ÉPIPHANIE au musée Ingres-Bourdelle de Montauban, jusqu’à Juin 2022                             

 


                        


Commentaires