Par Jean-Jacques Ader
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Bordant
le parc du cap de Creus, la commune la plus orientale de l’Espagne accueille
donc pour sa cinquième édition le festival international de photographie. Isolé
du reste du haut Empordà par la présence des montagnes proches, le village de
Cadaqués fut préservé d’une urbanisation qui sévit sérieusement tout autour, et
désormais, déploie ses charmes face à la mer. Les paysages alentours peuvent
même être reconnaissants à un défenseur inattendu en la personne de Salvador
Dalí, résidant en voisin à port Lligat, qui fit savoir son mécontentement à la
vue des promoteurs immobiliers qui furetaient dans les années 60. Un atout charme
que Valmont Achalme a su mettre à profit, le maître d’œuvre avec Olivia
Seigneurgens et leur jeune équipe ont disséminé les expositions des 35 artistes
venus de 17 pays différents, au fil des ruelles pentues, typiques du village,
dans les galeries, ou les bâtiments historiques.
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Résidente de l’année et bénéficiant du bel espace de la galerie Patrick J Domken, Letizia Le Fur revisite de ses couleurs ardentes les Mythologies d’Ovide, avec un troisième chapitre « Les métamorphoses », fait de visions quasi psychédéliques de la nature environnante, de corps nus, mêlés au végétal et au minéral, tout en sensations organiques et en lumières ; un nouvel Eden à Cadaqués ?
Décentralisées et accompagnées par Simon Baker lui-même, deux expositions de la MEP Parisienne prennent place ici cette année : Dans le beau jardin en terrasse de la maison de Dalí et montée sur panneaux, «The eye is a camera » traite des rapports de l’artiste aux moustaches rebelles avec l’image fixe, et nous offre en bonus une déambulation et une vue inédite sur la jolie crique de port Lligat.
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L’accrochage d’Helmut
Newton, au premier étage de la Societat
l’Amistat, regroupe les photos de mode du photographe Berlinois, ses
portraits de célébrités et des tirages issus du portfolio « Private
property suite I-III». L’ensemble, réalisé entre 1967 et 1986, nous
propose un condensé du regard Newtonien, où les hommes sont souvent réduits au
rôle d’accessoires, aux côtés de femmes dominantes, alliant érotisme, allure et
provocation malicieuse. Quelques commentaires entendus lors de la visite,
imaginent qu’il serait difficile de faire ces images de nos jours. Helmut
Newton n’affichait pourtant pas de programme politique mais des photographies,
et nous pouvons aussi simplement contempler les qualités de celles-ci, superbes
tirages argentiques virés au sélénium, réalisés dans les années 80 par Thomas
Consilvio.
Née à Tokyo et
habitant en Angleterre depuis 1996, Tomoko Nagakawa partage la Taller galería
Fort avec Olli Bery, mais aussi une exploration commune du familier, au travers
de techniques argentiques, des formes et des matières sensibles des papiers
traditionnels. La photographe japonaise célèbre la vie et les temporalités qui
la constituent, composant avec ses proches, évoquant le silence et un minimalisme
relié à la nature.
Dominant le
village, l’église Santa Maria procure un écrin particulièrement propice à
l’introspection et à la vision des cyanotypes « Adieu au Minotaure » de
Nyima Marin. Côtoyant l’impressionnant retable baroque de la grande salle, les
caresses de lumière bleutée des images viennent souligner les sensations du
voyage initiatique que l’artiste entreprît vers sa terre natale, la Crète. Véritable
labyrinthe de formes, de matières et de souvenirs, particulièrement bien
accompagné par des textes poétiques, l’ensemble reflète une mélancolie
sensuelle et charnelle.
©JJA |
Reste à citer
les autres exposants, toutes et tous de haut niveau : Aglaé Bory, et ses
exils suspendus au Havre, creuse son sillon tout personnel ; les
appartements bourgeois abandonnés de Jordi Baron Rubí, les univers masculins de
Giorgia Fiorio, l’hommage à Elliott Erwitt, l’installation d’Olivier Chanarin
« Gravity is the attraction between distant objects »
re-création
d’une œuvre de Marcel Duchamp, en apesanteur.
Aussi, le lauréat de l’appel à auteurs Gabriel Dia, ainsi que les 14
finalistes exposant, eux, seulement 3 de leurs images en formats réduits : Julie Joubert, Camille Lenain, Estelle Lagarde, Hiro Tanaka,
Bruno Silva, Joan Alvado, Mathias Benguigui, Ioanna Sakellaraki, Ingeborg
Everaerd, Hyunmin Ryu, Aurélie Scouarnec, Alexandre Chamelat, Antoine Lecharny
et Giorgio Negro.
Ateliers de
cyanotypes et anthotypes, de collodion humide ; projections et rencontres,
balades nautiques, concerts et cocktails festifs viennent parfaire un programme
éclectique.
Les artistes
formant cette édition, et la ligne artistique même d’INCADAQUÉS, pourraient être
assimilés à l’acte de goûter ; ils goûtent le monde et sa nature, ils
goûtent à l’intimité et à la vie de leurs semblables, et s’approprient le tout pour
nous le restituer sous forme de sensations vibrantes de matières et d’énergies,
convoquant en nous le désir d’y participer et d’y goûter à notre tour, à ce
monde.
Photo Festival international INCADAQUÉS 1er au 10 Octobre 2021 – 5e édition –
Infos : https://www.incadaques.com/inicio-festival-fotografia-incadaques
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