DEPARDON, le seigneur des hameaux

Peu après le premier confinement, le célèbre photographe et réalisateur français découvre les noms de 280 villages, situés majoritairement en Occitanie, constituant ce que l’on avait nommé la liste du permis de Nant. Ce terme signifiait qu’une société texane avait été autorisée en 2010, par le gouvernement Sarkozy, à procéder à des recherches de mines d’hydrocarbures, gaz ou liquides, dans plusieurs départements d’Occitanie, et ce, sur plus de 4000 m2. 

Le Cros © RDepardon-Magnum
Grâce à la mobilisation citoyenne locale, écologique et politique, ce permis a été retiré par la justice en 2011, épargnant l’équilibre naturel et touristique de ces nombreuses communes rurales. Ses origines paysannes décidèrent sans doute Raymond Depardon à partir sillonner pendant plus de trente jours cet arrière-pays méditerranéen, équipé de son matériel, afin de fixer ces bourgs et hameaux dans leurs temporalités.
Comme à son habitude, c’est une exposition inédite que nous propose le Pavillon Populaire de Montpellier. La nouveauté est que la galerie municipale nous propose cette fois une série thématique et non pas la rétrospective d’un artiste. « Communes » regroupe l’ensemble des photographies noir et blanc prises à la chambre 20x25cm, durant l’été 2020 et une partie de Septembre, et reflète le regard bienveillant de Depardon pour ces villages du Larzac, d’Aveyron, de la Drôme, du Gard ou de l’Hérault visités. L’espace central, tout de jaune revêtu, contient le projet principal tandis que les couloirs annexes, en orange, nous montrent une partie du making of ainsi que les précédents projets du photographe autour de la ruralité française ou de ses habitants.

Précédemment publiées par La Fondation Cartier en 2021 - dans un magnifique livre imprimé à Vérone en Italie - ces images constituent quand même une évolution importante dans le travail du photographe, loin de ses reportages de photojournaliste ou de son approche documentaire de l’humain. Car des humains ici, vous n’en verrez pas, à l’exception d’un habitant de Mireval lisant tranquillement son journal en terrasse.

On peut parler de photos de paysages, de vues contemplatives et descriptives, l’appareil grand format 20x25cm et son rituel d’utilisation n’y est pas pour rien. Le photographe aime travailler à la chambre photographique. Une fois l’angle de vue trouvé - à l’instinct dit-il - elle est posée, là, et ça le rassure. 

« Au Leica on est mobile, on peut se dire tiens, je vais me mettre plutôt 2 mètres à droite, ou je vais me mettre 2 mètres à gauche ; la chambre, une fois installée à sa place, a un aspect rassurant».

Mireval ©RDepardon-Magnum

Toutes les prises de vues sont verticales, et frontales, dans un but de modernité nous dit Depardon ; comme si ces maisons, ces églises et autres mairies s’élevaient pour nous faire face. Et si les humains n’y apparaissent pas, la vie, elle, nous fait signe. Au travers d’un drap qui sèche en flottant à une fenêtre, de fleurs qui débordent d’un balcon ou de la porte ouverte du boulanger. 

Baignée par une lumière estivale dense, les matières comme les pierres ou les enduits sont dorlotés par l’argentique, et malgré l’aspect austère de certaines constructions, une ambiance paisible et immémoriale domine, loin de la carte postale et des clichés.

Jean-Jacques Ader 

Hameau de St-Martin-d'Orb © RDepardon-Magnum

 

 

 « Communes » Exposition du 16 Février au 24 Avril 2022 au Pavillon Populaire, Esplanade Charles de Gaulle à Montpellier, 0467661346 Entrée gratuite.

 Livre «Raymond Depardon, Communes » édité par la Fondation Cartier pour l’art  contemporain, 2021, bilingue Français/Anglais 128 pages

 

  https://www.montpellier.fr/506-les-expos-du-pavillon-populaire-a-montpellier.htm

 

 

 

 

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